J'ai enfin pris le temps de lire ce résumé de l'univers Hexagon, et je ne peux que remercier et féliciter son auteur de l'avoir fait. Le début du texte de la Brigade Chimérique a fait naître une question en moi qui n'a pas encore trouvé de réponse : peut-on rassembler les mots super-héros et culture française ? Afin d'éviter les hors sujets et importuner les gens avec mes convictions, je ne détaillerai pas plus avant, mais comme Rom1 navigue dans cette problématique sur plusieurs projets, si jamais il a évoqué ses idées sur cette question, je serai intéressé de la lire.
Et c'est la même question que l'univers d'Hexagon me renvoie au visage.
Et si les concepts d'Hexagon sont intéressants et l'idée d'avoir du comics à la française carrément plaisante (merci aux éditeurs qui prennent ce risque), y'a beaucoup de choses qui rendent l'immersion difficile à mes yeux. En premier lieu, si finalement on parle de héros qui ont du fait de leur âge été pompé sur des équivalents Marvel / DC, pourquoi se mettre dans cet univers moins connu et moins développé si on connaît mieux les univers Marvel / DC ? On sait que chaque héros important de marvel a non seulement eu le droit à quantité de numéros mais en plus des cross overs, des déclinaisons en jeux de tout bord... Ce point pèse tout de même assez lourd quand vous devez expliquer à vos joueurs qui est qui autour de la table, pour Marvel c'est fait en quelques minutes, pour Hexagon, il faut plusieurs aventures avant qu'ils aient retenu les personnalités principales. Soit vous évoquez directement le parallèle entre les héros américains et les héros Hexagon, mais après vous ramez pour que le joueur voit aussi les différences entre les deux héros ; soit vous ne dites rien de la comparaison et vous le présentez comme un SH totalement nouveau, et là vous rallongez le temps d'assimilation.
Deuxième point gênant pour moi, les noms. La plupart des noms sonnent américains, alors que d'autres sont soit fantasques, soit français mais pas terribles : Pilote Noir, par exemple, déclenche plus le sourire que l'intimidation. Si on est juste lecteur de comics, ça passera, en revanche, pour des rôlistes, la pilule est dure pour le MJ. Dans les jeux de rôles en français, en général les auteurs sont assez doués pour inventer des monstres ou des héros avec des termes qui en jettent et qui sonnent bien dans la langue française. Sur la Brigade Chimérique, on a fait attention à ce détail, par contre sur l'univers Hexagon, il faut garder un bon paquet de noms pas très hexagonaux ou alors faire soi même une traduction pour sa table, qui ne sera plus 100% compatible avec ce que les joueurs pourront lire.
Troisième point gênant pour moi, la présentation des héros. JD présente les comics comme une mythologie moderne dans Icons, et je trouve cela très bien vu (surtout rapporté à la question du premier paragraphe, mais j'arrête là la digression). Et pour reprendre les héros Marvel, nous les connaissons suffisamment pour les décrire à quelqu'un selon leur personnalité et pas leur pouvoir. Si je parle de peter parker, je vais surement parler d'un ado photographe à court de thunes torturé par le devoir plutôt que de dire c'est un mec qui a les pouvoirs d'une araignée. Si je parle de Serval, je vais évoquer un brun poilu ténébreux solitaire et irrascible plutôt que d'un mec qui régen et qui a des griffes. Quand à Daredevil, c'est bien sur le côté avocat torturé qui va ressortir avant de parler de ses sens décuplés. Si on examine d'ailleurs Daredevil, ses pouvoirs le rendent exceptionnels par rapport à tout un chacun, mais pas par rapport à ses semblables : beaucoup peuvent faire la même chose que lui et en mieux. Par contre, la saveur de son handicap et de ses problèmes ainsi que la manière d'agir en tant que SH est unique. Tout ca pour dire que si on me présente un nouveau monde de super héros prêts à devenir une nouvelle mythologie (dixit JD), le fait qu'on les décrive en termes de pouvoirs me rebute complètement. Qu'est ce qui intéressant dans Zeus, qu'il ait une attaque de foudre OU qu'il soit le big boss de l'olympe, infidèle comme personne, emporté, capable du meilleur comme du pire ? Pour reprendre mon premier problème, Marvel n'a pas seulement fait des super héros, il les a transposés dans d'autres époques, et à montré ce qu'était leur essence, leur mythe. La description situationnelle de Peter Parker vaut autant pour le spidey moderne que pour celui de 2099, par exemple, ou le Daredevil moderne garde la même saveur dans anno 1602, parce que le concept de l'aveugle sans peur prêt à défendre toutes les causes est préservé. J'aurais aimé avoir dans le descriptif de Rom1 l'exemple de quelques SH qui soient décrit avant tout pour leur personnalité (Phénix semble être dans ce cas) que pour leur pouvoirs.
Dernier point gênant, l'adoration du silver age. Il y a dans le déroulé des présentations plusieurs piques sur les comics actuels plus dark et moins portés sur l'aventure et l'héroïsme. Le cinéma et les ventes ont montré qu'au contraire le spandex avait de plus en plus de mal à trouver des adeptes. On en revient à la notion de mythologie moderne de JD : si les gens aiment les super héros à mon humble avis, c'est pour leur capacité à s'identifier et à expérimenter des choix moraux par procuration. Avoir un costume et des pouvoirs cools n'est pas forcément nécessaire. Hancock est je trouve un bon exemple d'histoire de super héros qui ne tourne pas du tout sur les pouvoirs mais sur l'histoire qui arrive à ceux qui ont des pouvoirs. Et quand on est dans l'optique de donner au spectateur ou au joueur des plots pour remettre sa morale en jeu ou lui faire ressentir des frissons avec telle ou telle capacité extraordinaire, on oublie les codes du genre. On s'en fout que le SH ait forcément un costume. On s'en fout qu'il soit forcément un bon samaritain (d'ailleurs des héros comme Punisher sont plus près du mal que du bien). On veut juste vibrer le temps d'une histoire. Du coup, le fait que le revival d'Hexagon revendique sa nostalgie pour des histoires que marvel racontait au siècle dernier et qui ne marchent plus même chez marvel, ca me fait un peu peur. Par exemple, l'idée d'un super héros napoléonien et des combats période vichy je kiffe, mais si c'est pour me retrouver avec une resucée de captain américa en vf, je ne suis pas intéressé, j'aime déjà pas captain américa dans ses propres comics
A bien y réfléchir Hexagon me convaincrait d'emblée s'il avait été une Brigade Chimérique pour une époque moderne, une sorte de Delta Green du super héros européen. Là, l'univers est riche et à portée, mais il me semble encore trop proche du modèle américain (dans les noms, dans la forme, et même dans la composition des rapports de force) pour être différent. Je le vois comme une alternative à ceux qui ne connaissent pas Marvel/DC et qui se disent que le bagage des héros Hexagon étant moins long ce sera plus rapide de se mettre à Hexagon. Maintenant, je vais quand même lire les dernières productions dès que mon budget le permet pour me faire une idée étayée par le concret.
FX - MJ Mantel d'Acier, Nova Praxis.