Véritable univers partagé peuplé de super-héros hauts en couleur, l’Hexagon Universe est une création française dont les origines remontent aux années 1950 avec la fondation de Lug, maison d’édition qui fit beaucoup pour la popularisation des
comic-books en France.
La première vague : les prémisses du « Lugverse »C’est en 1950 que Marcel Navarro décide de créer sa maison d’édition, en s’associant à Auguste Vistel. Ensemble, ils créent les Éditions Lug basées à Lyon (Lugdunum étant le nom latin de la ville).
Au début, Lug se contentait de publier des réimpressions de bandes-dessinées françaises et italiennes, mais très vite, Marcel Navarro décida de créer ses propres personnages – dont il confia scénario & dessins à des artistes français et italiens. D’une certaine façon, on lui doit ainsi la création du premier univers de super-héros français en bandes-dessinés – des «
french comic-books », en quelque sorte.
Si la plus fameuse création de Lug à l’époque était Zembla (un seigneur de la jungle inspiré de Tarzan), de nombreux autres personnages virent le jour à cette occasion. Citons notamment : Rakar (un vengeur masqué évoluant dans l’Amérique des westerns), Silver Shadow (un justicier du futur), Max Tornado (un astronaute doté d’une force herculéenne), Tanka (un autre seigneur de la jungle), le Roi des Profondeurs (un héros amphibie), le Pilote noir (un justicier utilisant avions et technologie supérieure), Gun Gallon (dont les aventures se situent dans un univers de fantasy), etc. Il est à noter qu’à l’époque, l’apparence de ces personnages et l’ambiance de leurs aventures rappelaient celles des super-héros de la firme américaine DC (chez qui paraissent par exemple Superman et Batman).
Les comics Marvel et la deuxième vagueEn 1969, Claude Vistel, la fille d’Auguste, rentra d’un voyage à New York et convainquit Marcel Navarro de traduire et publier en France les premiers
comics de la firme Marvel. Le magazine Fantask accueillit ainsi les Fantastic Four, Spider-man et le Silver Surfer. Inspiré par cette déferlante, Marcel Navarro décida de continuer à créer des super-héros au sein de Lug.
Wampus fut lancé en fanfare dans son propre magazine – accompagné des épisodes de Mister Song et du CLASH, une organisation de lutte contre le terroriste sponsorisée par l’ONU. Hélas, la censure avait Lug dans le collimateur et les aventures de ce monstre change-forme sans morale durent être interrompues – de même que la publication de Fantask.
Ne se décourageant pas, Marvel Navarro relança les héros Marvel dans deux nouveaux magazines dès l’année suivante : Strange (une revue devenue légendaire depuis) et Marvel (qui subit elle aussi les foudres de la censure) – et divers autres parutions suivirent par la suite (Spidey, Nova, Titan…). Parallèlement, de nombreux nouveaux héros de création franco-italienne continuèrent à voir le jour – notamment sous la plume de Claude Legrand et les pinceaux de Luciano Bernasconi. Un magazine leur fut même consacré : Futura. On y trouvait les aventures de : Jaleb (un télépathe issu d’une civilisation extraterrestre), Homicron (un héros aux vastes pouvoirs énergétiques), la Brigade temporelle (une organisation chargée de veilleur sur le temps), Jeff Sullivan (un surhomme), l’Autre (une version adoucie de Wampus), Sibilla (une enquêtrice de l’occulte), etc.
Suivirent en 1974 et 1975 les magazines Waki (publiant les aventures d’un héros post-apocalyptique) et Kabur (publiant les histoires d’un héros de
fantasy et des épisodes du Gladiateur de Bronze, un justicier new-yorkais venu d’une autre galaxie).
Les années 1980 : une troisième vagueEn 1980, Marcel Navarro décida de relancer le magazine Mustang – contenant à l’origine des histoires de western – pour y publier de nouveaux super-héros de création française, dont notamment Ozark, un shaman indien. Dans le même temps, d’autres personnages virent le jour dans diverses parutions estampillées Lug : Phénix (une héroïne urbaine et nocturne), Starlock (un astronaute possédé par un extraterrestre surpuissant et belliqueux, poursuivi par l’armée), Kit Kappa (un maître des arts martiaux), Jayde (un jeune métamorphe), Motoman (un super-motard), etc.
Ce foisonnement de personnages coexistant dans diverses revues finit par créer un univers informel, pas réellement partagé et sans réelle continuité (assez semblable en cela au DCverse pré-Crisis on Infinite Earth). Les créations Lug bénéficièrent de plus d’une dynamique de publication touchant d’autres pays européens : Espagne et Italie, notamment.
Vers le milieu des années 1980, Auguste Vistel décéda et Marcel Navarro décida de prendre sa retraite. Lug fut vendu à un groupe scandinave : Semic, en 1993. À partir de là, la création de nouvelles aventures de tous ces personnages s’arrêta et Lug fut absorbé par Semic en 1994.
Les années 2000 : le renouveauVers le milieu des années 1990, la branche française de Semic redevint autonome sous le nom de Semic S.A. Dès le début des années 2000 et sous l’impulsion du nouvel éditeur en chef Thierry Mornet, Semic décida de donner une seconde jeunesse aux personnages jadis créés par Lug en leur inventant de nouvelles histoires.
Cet ambitieux programme prit la forme de six magazines : Kiwi, Mustang, Rodéo, Spécial Rodéo, Yuma et Spécial Zembla ; et de séries limitées comme les Strangers et Fantask. Y furent publiés un mélange de réimpressions, de fumetti italiens et de nouveaux épisodes de création française concernant les super-héros Lug. Sous l’égide de Jean-Marc Lofficier, on vit ainsi le retour de Zembla, Wampus, Kabur, Phénix, la Brigade temporelle, Sibilla, le Gladiateur de Bronze et bien d’autres encore. Cette fois-ci, il fut établi que tous ces personnages vivaient dans le même univers partagé et il y eut un réel effort pour créer une continuité rétroactive et une cohérence entre les divers éléments introduits par Lug au cours de presque quatre décennies.
À cette période, le groupe des Strangers (réunissant Homicron, Starlock, Jaleb, Tanka, Jayde et Futura) vit ses aventures publiées chez Image Comics – en faisant le premier
french comic-book édité aux USA ! Dans le même temps, Phénix et Sibilla vivaient un
cross-over avec Witchblade, chez Top Cow.
Mais malgré tout ce dynamisme, cette relance prit fin avec la dissolution de Semic en 2005.
Les années 2010 : un avenir prometteurMais ces super-héros, vieux de presque soixante ans pour certains et ayant déjà traversé bien des épreuves, ne disparurent pas encore. Une association de scénaristes en récupéra ainsi les droits sous la bannière d’Hexagon Comics.
Depuis lors, une ambitieuse politique de reconnaissance de cet univers est menée. Ainsi, l’éditeur Rivière blanche publie depuis plusieurs années d’épais omnibus réimprimant les aventures classiques des super-héros créés par Lug. Un partenariat avec l’éditeur associatif Wanga Comics permet la publication de matériel inédit : la saga des Strangers enfin disponible dans son intégralité, le magazine Hexagon Universe / Strangers Universe permettant de réimprimer des aventures marquantes et de produire de nouveaux épisodes, une saison 2 des Strangers en cours de parution, etc.
L'univers Hexagon existe également sous une forme littéraire. Ainsi, Dimension Super-héros est une anthologie de nouvelles mettant en scène ces héros, et on y trouve la plume de nombreux auteurs de JdR (Willy Favre, Eric Nieudan, Krystoff Vala, Ghislain Morel, Julien Heylbroeck...). En juillet, un roman mettant en scène le groupe Hexagon va paraître - également chez Rivière blanche - tandis qu'un second tome de Dimension Super-héros est prévu pour 2013.
Bref, l'Hexagonverse, bien que vieux de presque un demi-siècle, semble n'en être qu'à ses débuts - prometteurs !