ikko-ikki

[CCCP]

Ben voilà,
je me posait juste la question ikko-ikki, qu'est-ce que c'est ?

Que veulent 'ils, quelles sont leurs méthodes ....

[Akae]

Les Ikki sont des regroupements (ou ligues) de guerriers sorte de fraternité guerrière au départ, ensuite ils désignent des corps structurés pour le combat. Durant le sengoku la signification évolue et même si elle désigne toujours des regroupement guerriers, on l'utilise surtout pour désigner des groupes insurrectionnels dont les Ikkô-Ikki (paysans armés, groupes de guerriers rebelles, Moines armés, etc).

Je te renvoie au Dictionnaire historique du Japon, p.1152, tu dois pourvoir y avoir accès en ligne.

Pour les Ikkô-Ikki, tu as justement la définition dans le même dictionnaire à la même page. Il s'agit d'un regroupement de moines, paysans, guerriers et petits seigneurs locaux souhaitant garder leur indépendance, partisans de la secte Ikko qui se forment au 15e et 16e siècle. Initialement ils dépendaient du Hongan-ji situé à Ishiyama à côté de Osaka. Ils vont devenir un véritable contre-pouvoir (ou pouvoir tout court en fait). Ils prônaient l'égalité et le salut pour chacun et s'attachaient aux problèmes de la paysannerie et plus largement des communautés rurales. La secte joua un rôle très important dans tous les conflits des Sengoku avec une organisation politico-militaire. Elle affronta de nombreux seigneurs qui vacillèrent sous les révoltes. et au début du 16e siècle l'autorité du Hongan-ji s'étend à toutes les provinces centrales du Japon, mais devient de moins en moins égalitaires au profit des prêtres et des jizamurai qui deviennent de véritable chefs de guerre usant des ikki et de leur force pour leurs propres objectifs.

Ainsi Nobunaga fut en perpétuel conflit avec la secte qui lui menèrent la vie dure. Il finit par les écraser ikki après ikki.
1574 - destruction du ikki de Nagashima. s'ensuit une très violente répression.
1575 - destruction des ikki d'Ichizen
1577 - destruction des ikki de Saiga
1580 - marque la fin des ikki avec la chute de l'Ishiyama Hongan-ji.

Bref je t'ai fait un rapide résumé.

[CCCP]

donc, pour simplifier :
ikki = milice
ikko = socialisme
ikko-ikki = milice socialiste

[Brand]

ikki = ligue populaire
ikkô = secte (cf p108)
ikkô-ikki = les insurrections décrites p84.

[Graou]

Voilà un beau sujet !! Ma campagne était basée sur les ikko-ikki !
la meilleure comparaison pour se faire une idée des ikko-ikki et des luttes qu’ils mènent me semble être de les rapprocher de la Guerre des Paysans en Allemagne dans les années 1520 lorsque les revendications sociales trouvent dans le Luthéranisme une base idéologique nouvelle débouchant sur une guerre à grande échelle. Mais les ikko-ikki ont une base sociale un peu plus large.
Pour en tirer le meilleur parti (la meilleure partie ?), il faut comprendre leur position de base. L’idée est la suivante : l’univers est soumis à un cycle naissance-mort-renaissance comme l’homme (ce qui est normal puisque l’univers est contenu dans le corps du bouddha Mahavairocana et que l’homme est une version « réduite » de celui-ci). Or, l’univers entre dans une phase de décadence, le mappô. Les hommes qui naissent durant cette phase sont donc intrinsèquement faibles. Ils n’ont plus la capacité à tirer parti des enseignements du bouddha pour faire leur salut. Il n’y a plus qu’une solution, cesser de s’appuyer sur son « pouvoir propre » (jiriki) pour espérer dans le « pouvoir de l’autre » (tariki). En effet, un être cosmique, le bouddha Amida, a fait le voeu de ne pas atteindre la pleine illumination avant d’avoir sauvé tous les êtres qui feraient appel à lui. Pour cela, il a créé une « Terre pure de l’Ouest » dans laquelle les hommes qui s’en remettront à lui pourront renaître grâce à lui. Là, ils mèneront une existence parfaite, échappant à leur mort au cycle des réincarnations. Pour obtenir l’aide d’Amida, il suffit donc de le lui demander en récitant le nembutsu, la formule Namu Amida Butsu (« gloire au bouddha Amida »).
Même si l’on connaît des groupuscules récitant le nembutsu depuis 984, c’est à l’époque de Kamakura (fin XII-début XIV) que cette doctrine se développe dans le bouddhisme japonais, en réponse notamment au déclin des écoles traditionnelles et aux difficultés du temps (guerres civiles notamment). Le principal chantre de la nouvelle doctrine est Honen, un ancien moine de la secte Tendai. Il fonde la Jodoshu, secte de la Terre Pure.
Ca se complique ensuite. L’un de ses disciples appelé Shinran (également issu du Tendai) conteste l’idée selon laquelle la récitation du nembutsu permet « d’accumuler des bons points » et que la réitération perpétuelle (jusqu’à 60000 par jour pour les purs et durs) est la clef du salut. Selon Shinran, ce qui compte, c’est l’état d’esprit dans lequel on prononce le nembutsu. Si une fois au moins, on fait appel à Amida avec une foi parfaite, une abandon total à sa compassion, on est sauvé. C’est cette disposition mentale univoque qui donne le nom ikkoshu « secte de la pensée unique » (pour faire simple), d’où ikko ikki. L’autre nom est Jôdoshinshû, Vraie secte de la Terre Pure, par opposition à la simple Jôdoshû
Une conséquence directe de la théorie du mappô est qu’elle postule que tout le système des écoles traditionnelles de Nara et des sectes ésotériques (Tendai ou Shingon) n’a plus lieu d’être puisque l’homme n’a plus la capacité de tirer profit des enseignements de bouddha. On comprend que l’intelligentsia traditionnelle n’ait pas apprécié !! En revanche, évidemment, le côté piétisme et la simplicité extrême de la doctrine (encore qu’il y ait des points épineux, genre le concept du mal) séduit le « petit peuple » et les guerriers ruraux qui n’ont pas accès aux subtilités du zen que tentent de promouvoir à la même époque les régents Hôjo.
Parmi les préceptes du bouddhisme classique remis en cause, il y a le célibat et Shinran se maria et eut des enfants qui assumèrent la direction de sa secte. Il y a donc dans la Jodoshinshu une lignée charismatique qui remonte au fondateur. C’est de cette lignée que sort Rennyô (mort 1499) qui va rénover entièrement la secte en transformant le lâche réseau des sanctuaires se réclamant de Shinran en une église unifiée s’étendant à tout le Japon.
Pour ça, il passe sa vie sur les routes (comme pas mal de gens veut sa peau, ça aide) et surtout écrit régulièrement des sortes d’encycliques, les ofuni, qui sont envoyées dans tous les sanctuaires et renforcent la cohésion idéologique. Peu à peu d’autres instruments de contrôle sont développés : les sanctuaires (dojo) doivent avoir pour point focal des cérémonies une calligraphie du nembutsu fournit par le temple central, idéalement tracée par Rennyô. Ils dépendent donc entièrement du sanctuaire principal. Sont créés également des registres dans lesquels sont inscrits officiellement les noms des « sauvés ». Evidemment, les maîtres de la secte peuvent aussi effacer un nom : ils obtiennent ainsi un pouvoir proche de l’excommunication catholique. On peut facilement s’en servir dans un scénario : lors des grandes épurations décidées par Oda Nobunaga détenir les registres avec les noms des fidèles peut devenir une arme de chantage extrêmement puissante !!
Toutes ces pratiques resserrent sut Rennyô le leadership de la secte et en place le centre là où il réside. En 1465, le yamashina Honganji (temple du Voeu originel, c’est-à-dire le voeu d’Amida) qui est le mausolée de Shiran est détruit par les moines guerriers du Tendai. Rennyô part sur les routes et ne revient à Kyôto qu’en 1475. Il décide toutefois de partir vivre en ermite près d’Osaka. Immédiatement, les fidèles affluent auprès de lui : son ermitage devient en 1496 l’Ishiyama honganji, le temple forteresse que Nobunaga assiège pendant dix ans. En 1532, le yamashina Honganji est détruit par la Hokkeshû, la secte de Nichiren.
La secte connaît une évolution nette vers la fin XVe, dans le contexte de l’effondrement du shogunat. Les ligues rurales se multiplient contre les seigneurs absentéistes. Les sanctuaires de village de la secte fournissent un lieu idéal de réunion et surtout la théorie du mappô donne une base idéologique aux revendications : si la décadence du monde rend inefficace le monachisme et la prêtrise bouddhique traditionnelle, de quel droit les grands temples continuent-ils à dominer la vue du pays et surtout à contrôler autant de terres au titre d’une activité religieuse qui n’a plus d’efficacité ? L’idée se répand alors d’une solution alternative : créer ici bas un « royaume de Bouddha », une « terre pure » à portée de la main (les idées d’Ippen joue aussi sans doute, voir plus bas). Les ligues s’organisent : on écrit des serments sur lesquels les signatures sont apposées en cercle pour éviter toute hiérarchie, puis ces documents sont brûlés et les cendres ingérées par les membres. Au combat, bien évidemment l’idée d’une renaissance immédiate dans la Terre pure au cas où l’on meurt au service de la secte facilite les jets de moral... Les bannières portent couramment la devise : Enri Edo Gongu jodô, soit « Renonce avec dégoût à ce monde impur et aspire à atteindre la Terre Pure ».
La forme la plus aboutie de cette activité nouvelle intervient dans la province de Kaga : à la faveur d’une querelle dans la famille des shugodai Togashi, les ikko ikki fondent une sorte de théocratie qui empiètent sur Echizen et Noto et sera écrasée à terme par Shibata Katsuie et Maeda Toshiie. Mais dans bien d’autres endroits, les ligues combattent contre ou pour les seigneurs, aidant par exemple les Hosokawa à contrôler Kyôto dans les années 1530. Le prix est ici un édit d’abolition des dettes (tokusei) : les principaux usuriers dépendent du Mont Hiei, le haut lieu du bouddhisme Tendai dont les guerriers ont détruit le mausolée de Shinran en 1465. On voit bien comme lutte religieuse, politique et économique se complètent ! Un point important est que les ligues comprennent bon nombre de samouraï, c’est une sorte de 5e colonne au sein des grands clans. Ainsi, dans les années 1560, Tokugawa Ieyasu voit toute une partie de ses vassaux se soulever contre lui quand il décide d’éliminer l’influence de la secte. C’est ce point qui la rend insupportable aux daimyo. Autre aspect important, c’est aussi la seule organisation armée qui n’a pas de définitions géographiques précises. Même si elle a des bastions (comme Nagashima sur les îlots du delta de la kisogawa), la secte peut brusquement attaquer à peu près partout. Enfin, elle tire un grand profit des armes à feu : celles-ci sont majoritairement fabriquées à Sakai, c’est-à-dire aux portes mêmes du Honganji. Le temple central peut ensuite les distribuer aux ligues locales, autre instrument de contrôle efficace. A l’époque de la lutte avec Nobunaga, le commandement général des armées de l’ikkoshû est confié au descendant des intendants des biens du Honganji, Shimotusma Nakayuki, que le chef de la secte, Kennyo Kosa, veut établir comme shogun. Nakayuki meurt en 1616 donc il peut parfaitement servir de Psj.
Dernier point, en raison du mappô, les maîtres de la secte se marient. A terme donc ils développent des stratégies familiales d’alliance avec les grands daimyo du temps. C’est l’une des raisons de l’opposition de la secte aux Oda car il existait une alliance matrimoniales entre la famille de Kennyo Kosa et les Hosokawa et Asakura.

Un dernier mot sur une autre école amidiste, la Jishû fondée au XIIIe par Ippen. La principale différence théologique est ici la croyance en l’efficacité immédiate du nembutsu : le voeu originel assure une illumination ici et maintenant à l’homme qui obtient la grâce d’Amida. La secte est également intéressante à mettre en scène car parmi ses principales pratiques, il y a l’organisation de grandes danses extatiques collectives, à mi-chemin entre la rave party et les derviches tourneurs.

Voilà, j’espère que tu trouveras du grain à moudre : ils sont géniaux dans les deux sens, soit comme ennemi, fanatique et surgissant de partout, soit comme pj, comme héros luttant contre la « dictature » Oda ! Il y a un autre point intéressant : comme la direction de la secte est basée sur le lien de famille avec Shiran, il y avait d’autres branches que celle dominée par Rennyô et ses enfants. C’est parfaitement possible de créer un groupe autour d’une de ces branches, indépendante du Honganji et prise entre le marteau et l’enclume !