A l'heure où tous les regards sont braqués sur Bloodlust, et à la veille d'une première partie d'ailleurs, j'ai fait descendre ma table dans Notre Tombeau. La première séance s'est bien passée dans l'ensemble malgré quelques petites frayeurs ; allons-y !
Note pour mes joueurs : vous qui avez vécu cette séance, aucun spoil ne vous guette.
0. Les personnages
Ils sont au nombre de trois.
• Arnaud (prétiré), fin et sec, un peu dégarni, la quarantaine. Des lunettes rondes et des cheveux poivre et sel. C'est un employé de bureau triste et sans ambition ; il n'a aucun vrai ami et pas de lien bien fort avec sa famille. Un soir, il rentrait chez lui après un dîner avec un vieux copain de lycée, dîner au cours duquel il se trouve finalement assommé par la réussite de celui-ci, bien supérieure à sa propre médiocrité... Un peu saoûl et maussade, il rentre chez lui, dans la banlieue parisienne. Garé, il ne lui reste plus que quelques minutes à faire pour rejoindre son domicile, quand un van noir s'arrête à sa hauteur : quatre homme encagoulés, armés de matraques, en sortent pour lui sauter dessus. Passage à tabac, réveil ligoté dans le fourgon entrain de rouler : vous connaissez la recette.
• Sandrine (prétirée), jolie jeune femme de 26 ans, travaillant à l'édition du Progrès. Timide et effacée, on sonne à sa porte après 23h lors d'une journée de vacance pour lui apporter une pizza qui a décidément beaucoup de retard. Mais c'est à deux hommes encagoulés et également munis de matraques qu'elle ouvre la porte... La suite, vous la connaissez.
• Quant à Johnny (créé), c'était un honnête citoyen que la vie en banlieue a dangereusement perverti. Impliqué malgré lui dans des rixes de plus en plus violentes dans son quartier, il a tué une fois dans sa vie et a été envoyé en prison pour ce meurtre. De longues années à ruminer haine et frustration. Le jour où il sort enfin de prison, avec l'envie forte de prendre sa revanche sur la vie, il commence par chercher un abri pour la nuit - ces salauds de flics l'ont laissé partir à 22h30, à cause de leurs formalités administratives qui ont pris des plombes. Il repère un pont sous lequel dormir quelques sales heures... Mais il n'atteindra jamais le pont : un van noir s'arrête à sa hauteur et il arrive ce que vous savez. L'a pas eu beaucoup de chance dans la vie, Johnny.
Et Johnny est joué par Piouh, membre ici présent.
1. La chute
Drogués, molestés, les joueurs sont amenés à l'entrepôt. On les décharge brutalement dans une petite pièce au sol terreux, et on les laisse attendre ici ; régulièrement, deux hommes de mains viennent saisir un des captifs pour l'emmener on ne sait où. Ils ont aperçu brièvement la pièce où on les mène en entrant, et notamment la grande chose avec une bâche.
Tour à tour les joueurs vont être emmenés, attachés à une sordide table de fer maculée de sang, lacérés, puis l'homme aux cheveux blancs leur coupe la langue (tenaille, lame bifide et tout le tralala). Réveillés quelques dizaines de minutes plus tard dans l'horrible charnier de la première salle, leurs réactions sont assez diverses.
Après un bon coup de panique, Sandrine s'extrait comme elle peut du tas de cadavres et se met à longer les murs (on n'y voit presque rien...). Elle finit par trouver un couloir dont l'accès est fermé par une grille rouillée, qu'elle réussit à casser en y mettant toute sa force. Elle avance alors avec l'énergie du désespoir dans une conduite noire comme un four, cherchant à mettre le plus de distance entre elle et les morts. Mais elle va faire la première mauvaise rencontre de la tablée : des rats.
Arnaud s'est également sorti du charnier et, un peu plus pragmatique, essaye de trouver quelque chose d'utile. Ses premières fouilles lui rapportent deux stylos à bille et le traditionnel carnet de post-it, en plus d'un briquet ; mais il n'ira pas plus loin : révulsé et dégoûté, il reste en bordure. Il faut croire pourtant que la peur du noir finit par vaincre sa répulsion car il se saisit d'un morceau d'étoffe qu'il enroule autour d'un tibia qui traînait pour se confectionner une torche rudimentaire.
Johnny sera le plus téméraire des trois. Après avoir douloureusement repris ses esprits, il trouve à une des extrémités du tas de cadavres un homme qui semble encore respirer. Sanglotant, appelant à l'aide d'une voix faible, il est à moitié bloqué... Johnny attrape ses bras et l'aide à extraire ses jambes. L'inconnu pousse un râle terrible et Johnny constate alors que ses jambes sont pliées dans le mauvais sens et que son bassin est bizarrement tourné... Uuh. Abandonné à son sort, l'inconnu finit par mourir seul, pleurant dans son coin.
Johnny lui a d'autres ambitions : voilà qu'il tente de grimper au mur. Les pierres irrégulières offrent de nombreuses prises, après tout... Oui mais c'est suintant, visqueux, dégoûtant : après avoir monté un mètre ou deux, il retombe sur le dos (et encaisse 1 point de dégât). Ouch.
En désespoir de cause, il retourne chercher dans l'amoncellement de morts un bout d'étoffe pour s'en faire un bâillon et atténuer un peu l'odeur ; la chance a voulu que le morceau de manteau dont il s'est saisit contienne un paquet d'une dizaine de cigarettes.
De son côté, Sandrine se bat contre les surmulots avec guère de succès. Elle parvient à peu près à les écarter mais ils attendent la première occasion pour revenir. C'est Arnaud qui la sauve, à coups de pied puis de torche. A deux, ils commencent à avancer, et sont rapidement rejoints par Johnny. A qui ils ont modérément envie de faire confiance, soit dit en passant, au vu de sa sale gueule de taulard. Le groupe de fortune, qui s'est naturellement constitué au vu des circonstances, s'engage dans les corridors.
2. De Charybde en Scylla
Les personnages déambulent sans but. Il ne faut pas longtemps à Sandrine pour remarquer un reflet de la torche sur un objet fixé au mur : une caméra (qu'ils détruisent immédiatement). Stress.
Quelques instants plus tard, alors qu'ils avancent le plus discrètement possible, Sandrine perçoit les bruits de pas de plusieurs personnes ; elle entend même un fragment de conversation. C'est certain, c'est confirmé : ils ont du monde aux trousses, et on ne leur veut guère de bien. Jouant un peu sur les quelques coursives qu'ils ont traversées, les joueurs se cachent et se rendent compte qu'on va les trouver dans peu de temps. Johnny appelle ça une embuscade ; les deux autres y voient une bonne occasion de se barrer. Au moment où un groupe de deux cultistes passent juste devant les personnages (une seconde de plus et ils les remarquent), Johnny leur fonce dessus et Arnaud et Sandrine se font la malle.
Du côté de Johnny, le débtu se passe bien : il crève un oeil à un de ses ennemis et réussi à en entailler un autre au bras, grâce à un canif trouvé sur les cadavres. Mais il écope lui aussi de quelques coups supplémentaires et sait qu'il ne tiendra pas longtemps seul contre deux. L'unique lampe torche possédée par les cultistes est tombée à terre : il décide de s'en saisir et de fuir en profitant de la réussite de sa dernière attaque. C'est réussi, à ceci près qu'il prend un coup de poing américain dans les côtes avant de réussir à partir. Il distance rapidement ses poursuivants.
Sandrine et Arnaud, eux, ont foncés comme des dératés et sont arrivés au pont. Bien cramponnés, ils arrivent à passer sans trop de mal. Ils déambulent et se font tout petits.
Johnny, profitant de sa relative avance sur les cultistes, plonge dans une étendue d'eau sur le côté d'une coursive et attend patiemment que ses poursuivants le dépassent (ce qui arrive en effet). Puis il rejoint l'autre rive et va grosso modo suivre un chemin parallèle ; il arrive à retrouver les deux autres PJs sans avoir à passer par le pont. En fait, étant donné l'endroit qu'ont erratiquement atteint Sandrine et Arnaud, ils les rejoint même avant qu'ils n'aient à confronter les cultistes.
Tout ce beau monde met un peu de temps à dissiper le quiproquo, puis tous continuent de l'avant, entendant les pas des cultistes qui se rapprochent derrière eux. Johnny les a entendu parler de croix rouges et lorsqu'ils arrivent au collecteur d'eaux, il comprend grosso modo qu'ils sont sauvés. Il cherche à reproduire la même technique (il descend dans les ordures en espérant s'y cacher) mais pendant ce temps, Arnaud et Sandrine activent la vanne, remplissant le collecteur. Les PJs traversent donc l'étendue d'eau à la nage ; ils laissent derrière eux, de justesse, les cultistes défaits.
3. Lame damnée
Les voilà arrivés dans des égoûts plus vieux et désaffectés. Ce qui est moyennement rassurant quand on espère trouver une sortie – les égoûts réguliers auraient sûrement été plus fiables, mais que voulez-vous...
Bref, d'une façon ou d'une autre, ils trouvent les traces de sang et le repaire de Scalpel. Evidemment, ils décident... de ne pas y aller du tout et de tourner le dos à la ventilation. Gah, petite frayeur – j'aurais dû insister sur leur état de faim/soif et la promesse de merveilles matérielles de l'autre côté ; là, ils n'y ont vu que les traces de sang, présages de mort.
Ils continuent donc leur chemin, suivant donc l'origine des traces de sang. Bien entendu, ils tombent sur Scalpel, une serpillère à la main, un scalpel dans l'autre. Fidèles à eux-mêmes, Sandrine et Arnaud déguerpissent au premier bruit ; Johnny lui a envie d'en découdre mais n'ose se lancer. Il a à la main la lampe-torche prise aux cultistes et son canif. Il recule quand Scalpel avance : un pas, deux pas... Et puis Scalpel lui fonce dessus. Le combat tourne à la défaveur du joueur, qui finit par abandonner et détaler. Le psychopathe le suit un bout de temps mais s'essouffle. Par contre, il connait beaucoup mieux les souterrains que Johnny...
Bref, Johnny se pose dans un coin, à bout de souffle, et reste caché un bon moment. Tournant la tête presque par hasard, il aperçoit – vision d'horreur – le masque de Scalpel à moins d'un mètre, qui le toise. Vicieux, Scalpel a pris tous son temps pour le retrouver et l'attaquer. Le combat se déroule plus ou moins de la même façon : Johnny se fait lacérer sans parvenir à faire quoi que ce soit. Il essaye pourtant de le déstabiliser, de frapper dans ses jambes... Mais Scalpel a l'oeil et n'est pas dupe. Du haut d'un malheureux point de vie, Johnny parvient tout de même à fuir, paniqué. Il cherche à revenir au collecteur : finalement, les cultistes, c'est pas le pire. Après avoir tourné une heure en rond, il doit bien se rendre à l'évidence – il est complètement perdu.
Johnny est exténué, blessé à mort, à moitié exsangue... Il s'affale contre un mur, ferme les yeux quelques instants... Il ne se réveillera jamais.
[Son personnage s'étant sensiblement éloigné du groupe, j'ai préféré proposer au joueur d'en incarner un nouveau, et de laisser Johnny s'éteindre là.]
Et Sandrine et Arnaud, alors ? Eh bien, leurs pas désespérés les ont menés en fait assez loin (une bonne demi-heure de marche) du repaire de Scalpel. Tenaillés par la faim, la soif et surtout le sommeil, ils s'installent dans une salle quelconque et Arnaud dort tandis que Sandrine monte une garde des plus inefficaces. Au moins aura-t-elle repéré quelques autres rats.
Une fois réveillé, Arnaud part un peu repérer les environs et chasser du rat, tandis que Sandrine somnole. Ses excellents résultats aux dés lui permettent de trouver une petite pièce, autrefois pièce de stockage maintenant quasi désertée ; il y trouve le roi des rats, ainsi que quelques cartons vides et un tuyau de canalisation (3D/1D, une bonne arme !). Il a toujours la torche incandescente à la main (qu'il économisait tant que l'autre avait la lampe) et s'en sert pour allumer un carton et le jeter sur le roi des rats : astucieuse méthode pour faire déguerpir d'un coup tous les rats et récupérer une dizaine de rats morts d'un coup.
Rats qu'il rapporte à Sandrine, ainsi que les cartons pour faire un feu. Bon, ce n'est pas très bon, mais de la viandre grillée, vu les conditions, ce n'est franchement pas si mal.
Pendant qu'ils dégustent leur repas, les deux survivants sont abordés par un jeune garçon à qui on donnerait une douzaine d'années tout au plus. Ses multiples cicatrices et sa langue coupées ne laissent aucun doute sur les raisons de sa présence ici ; par post-it interposés, il révèle à Arnaud et Sandrine qu'il est orphelin et a été jeté dans les souterrains il y a un mois environ, avec quelques autres camarades, mais qu'il a été séparé d'eux lorsque leur groupe a rencontré « un homme qui faisait peur, avec un visage bizarre ». Depuis, malgré un quadrillage en règle des égoûts, il ne les a pas retrouvés, pas plus qu'il n'a trouvé de sortie (voilà qui plombe sérieusement les espoirs des personnages).
[Ne me demandez pas le rapport entre cet orphelin et le Parc des Horreurs, à ce stade je ne le sais toujours pas moi-même !]
Bref, l'orphelin peut les mener à « une source » où épancher sa soif : c'est en fait un tuyau dans une salle de sa connaissance, duquel goutte une eau presque sans goût et sans doute infiniment moins dangereuse que l'eau viciée et stagnante des égoûts. Par contre il va falloir revenir un peu en arrière, vers Scalpel...
Et d'ailleurs, lorsqu'ils arrivent à la Source, les PJs entendent au loin d'horribles cris de douleur féminins. Ils devinent rapidement qu'il doit s'agir de Scalpel et d'une de ses victimes. Mais voilà, ils sont trois, presque repus, armés d'un tuyau (un tuyau quoi !! c'est au moins un Tuyau-Dieu incarné !) et se sentent d'attaque. Ils s'approchent donc du repaire de Scalpel, confirment que c'est de là que percent les cris (de plus en plus faibles) d'une femme que l'on étripe méthodiquement.
Ils s'apprêtent à entrer... Enfin presque : au pied du mur, Arnaud est paralysé de terreur. Il faut attendre quelques longues minutes, sous les cris et les bruits de torture, pour que Sandrine lui communique un peu de sa propre détermination.
Enfin le petit groupe est prêt, la grille est relevée sans difficulté et l'aération bloquée avec une pierre. Les joueurs déboulent dans la petite chambre de Scalpel, où ils tombent sans surprise sur Scalpel, muni de ses armes fétiches, et derrière lui une table sur laquelle est attachée une femme dans un terrible état (le ventre ouvert, les deux mains coupées, entrain de se tordre de douleur dans un dernier râle d'agonie).
Arnaud fonce et frappe le Scalpel, le fait tomber à terre et le massacre impitoyablement. Lui qui a toujours été effacé, invisible, se retrouve à violemment écrabouiller la cervelle du Scalpel (qui n'avait plus son masque) à coup de tuyau, hurlant de rage et de désespoir, les yeux exorbités. Le personnage a en fait un moment d'absence et ne se « réveille » que plusieurs minutes après, debout devant le cadavre massacré du Scalpel, sans trop comprendre ce qu'il a véritablement fait.
[Techniquement, vous aurez reconnu une Mise à mort.]
Sandrine et l'orphelin, quant à eux, se sont rapidement esquivés, saisis par l'horreur de la situation. D'autant plus que lors du combat, l'ampoule a cassé, laissant à Sandrine le loisir d'éclairer la scène avec la torche maladroitement réallumée – et ses yeux se sont posés sur la chose de Scalpel. Elle refusera ensuite catégoriquement de revenir dans le repaire.
Arnaud finit par en sortir, un peu à l'ouest, ayant dorénavant dépassé le stade de l'horreur. Il est comme insensibilisé à la vue des tripailles, des bouts de cervelle qu'il a répandus un peu partout et à la dépouille inanimée de Marion Duval. Il n'a cependant pas fouillé la pièce et les PJs ne vont certainement pas y revenir, donc je lui ai un peu mis dans les mains quelques objets utiles qui ont attiré le regard d'Arnaud : le talkie-walkie, la clé et la carte.
Le groupe se reforme mais désormais Sandrine et l'orphelin jettent à Arnaud un regard étrange, apeuré. Les trois survivants se préparent à se remettre en route : leur calvaire ne fait que commencer, après tout...
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Voilà pour aujourd'hui ! Je jouerai a priori tous les épisodes du livre, sauf peut-être le Parc des Horreurs en fonction de ce que je décide pour le nouveau PJ. L'ordre sera dans une certaine mesure déterminé par les PJs qui ont maintenant la carte et donc pourront, une fois repérés, s'orienter plutôt vers l'un des symboles notés par Scalpel.